Jusqu’à mi-décembre 2024, un silence assourdissant entourait le projet de destruction du Bois du Sépey, à Ballens, pour y exploiter une gravière.
Depuis des années, personne ne nous dit rien, au point que de nombreux·ses habitantes et habitants du village de Ballens et de la région n’étaient même pas au courant de ce qui risquait de se passer dans cette forêt.
L’Association de Sauvegarde des Bois de Ballens et Environs (ASBBE) a déposé un recours auprès de l’Autorité de protection des données et de droit à l’information pour obtenir des informations sur le projet de gravière auprès du canton de Vaud.
Cette démarche a été entreprise après que l’ASBBE a reçu une réponse insatisfaisante de la Direction générale de l’environnement (DGE) suite à une précédente demande d’informations concernant la Gravière du Sépey.
Suite à ce recours, la GEODES (Division géologie, sols, déchets et eaux souterraines) était tenue de répondre à l’association au plus tard le 21 novembre 2024.
C’est le 11 décembre 2024 seulement que le canton « nous » a apporté quelques réponses, à travers une plaquette envoyée aux habitantes et habitants de Ballens, ce dont nous le remercions.
Cependant, la lecture de cette plaquette nous interpelle parce qu’elle pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Cela étant, ladite plaquette nous amènerait presque à remettre en question l’existence même de l’ASBBE, tellement le projet présenté est tout beau tout vert, au point qu’il en deviendrait un bienfait pour la région et pour l’environnement!
Nous l’avons donc étudiée de manière approfondie et vous la présentons annotée par l’ASBBE, en rouge dans le texte ci-dessous.
Vous pouvez lire ce document en direct sur le site ou le télécharger pour bénéficier de plus de confort de lecture.
Vous pourrez lire nos conclusions ci-après, sous le PDF.
Pour résumer, en quelques points
Nous n’allons pas reprendre ici l’entier de nos remarques sur la plaquette, mais nous revenons sur quelques points, de manière non exhaustive.
Le canton nous explique qu’il est responsable d’assurer le maintien d’une production de béton tout en mettant en avant une économie circulaire: selon lui, une gravière vaudoise c’est un grand nombre de camions venant de l’étranger en moins.
Mais qu’en est-il d’une remise en question du « tout béton »?
Certes, il évoque sa fameuse « économie circulaire », mais quels sont les plans du canton de Vaud pour pousser les alternatives nombreuses et viables qui existent désormais, et ainsi diminuer drastiquement l’utilisation du béton?
Une gravière n’est en rien de « l’économie circulaire », et aucun plan d’action visant à réduire les besoins en granulat n’est mis en avant.
Le canton nous annonce un projet d’extraction de 8.2 millions de m3 de gravier sur une trentaine d’années…
Oui, mais dans un premier temps!
Nous savons bien que le Bois du Sépey, c’est 18.5 millions de m3 dont le canton a « absolument besoin ». Une fois la parcelle Holcim exploitée, ce sera le tour de celle d’Orllati, qui jouxte la première.
8.2 millions de m3 aujourd’hui, mais 18.5 millions de m3 demain?~30 millions de m3 en 2050? (Plan Des Carrières 2014)
Le canton nous présente un site réaménagé « mieux qu’avant », au fur et à mesure du comblement et de l’avancement des travaux.
Et pourtant… Une forêt séculaire ne se remplace pas en quelques plantations d’arbres après avoir creusé sur des dizaines de mètres de profondeur et avoir comblé le trou par des terres d’excavations qui n’auront pas la même vie riche en biodiversité et la même perméabilité.
Pour rappel:
- le temps de régénération de ce type de forêt (hêtraie à millet et hêtraie à aspérule) est estimé entre 50 et 200 ans (www.infoflora.ch).
- Il faut compter 10 fois plus longtemps pour la régénération des sols (Gobat, in Vittoz et al., 1995).
- compenser, c’est remplacer par une forêt et un sol du même âge, ce qui n’est, par la force des choses, évidemment pas le cas ici.
Le canton nous explique qu’aucun captage n’est situé à moins de 1’000 mètres de la carrière.
Très bien, mais 3 captages et les sources du Boiron se situent à… 1’100 m du site et un marais d’importance nationale est situé à proximité presque immédiate de la carrière (marais du Paudex).
De nombreuses communes en aval de Ballens vont être impactées par l’exploitation de la gravière notamment au niveau des risques sur les eaux souterraines.
Et que dire des regards (tubes bleus et rouges) plantés par Holcim et Orllati dans la forêt, qui permettent d’observer les nombreuses nappes phréatiques situées sous cette dernière? C’est bien qu’elles existent!
Le canton nous explique que l’eau utilisée pour permettre l’exploitation du gravier sera drainée pour permettre son retour dans la nappe phréatique, via des bassins de rétention.
Vous habitez le Pied du Jura? Vous avez donc dû faire face, depuis des années (mis à part l’été 2024 très particulier), à de nombreuses restrictions d’eau.
Et Ballens ne fait pas exception à la règle!
Alors, comment gérer l’utilisation de centaines de m3 d’eau par année pour l’extraction du gravier sans que cela ne pose de problème à la population du village?
Le canton nous présente Ballens comme un site idéal pour les transports, parce que proche du train…
Tout utilisateur du Bière Apples Morges (MBC), notamment depuis la mise en place du nouvel horaire, peut se rendre compte des différents problèmes déjà existants, le train s’arrêtant plus souvent qu’à son tour pour permettre un croisement.
Nous avons également appris que la gare de Morges ne pouvait supporter un stockage, même éphémère, de plus de gravier.
Et il faudrait transporter encore plus de granulat et de terres excavées par le train?
Quand?
La nuit?
Un bonheur pour les habitants proche des voies, le MBC n’étant pas vraiment un train silencieux.
De toute manière, et même si tout se passe pour le mieux, c’est 44 camions par jour, un toutes les 10 minutes qui traverserait la ville d’Aubonne, ceci en admettant que l’on puisse profiter d’un « aller » vers la gravière avec de la terre d’excavation, et d’un « retour » avec du gravier vers les chantiers, ce qui ne sera pas le cas, le nombre de camions devrait donc être bien plus important.
Ville d’Aubonne qui étouffe déjà sous le passage des camions!
Et qu’en est-il des autres localités? Apples? Bussy-Chardonney? Denens? Lully? St-Livres? Tolochenaz? N’oublions pas que les deux premières années, il n’y aura que des camions, les trains viendront ensuite…
Le canton nous présente ce projet comme étant écologique.
Un comble tout de même, à l’heure du réchauffement climatique, à l’heure où les communes plantent quelques dizaines ou centaines d’arbres, alors qu’il s’agit ici d’en abattre des dizaines de milliers.
La forêt est un poumon qui absorbe quantité de CO2, un régulateur de température, son sous-sol filtre, stocke et régule nos eaux.
Il faut à tout prix tout faire pour la préserver.
La détruire est tout simplement un non-sens écologique.
Au vu de ce qui précède, vous comprendrez que, plus que jamais, notre combat continue pour sauver les Bois de Ballens, mais aussi ceux de la région, parce que Ballens n’est qu’une étape, les suites sont déjà annoncées.
La plaquette de l’État de Vaud ne nous rassure dans aucun domaine, sur aucun point.